Le président américain Barack Obama est arrivé jeudi matin au Caire où il a prononcé un discours très attendu sur une nouvelle relation entre les États-Unis et le monde musulman. Il a quitté l##Arabie saoudite, autre pays allié clé des États-Unis et berceau de l##islam, pour une visite éclair mais hautement symbolique de sept heures en Égypte. L##annonce par Obama d##un plan détaillé pour en finir avec le conflit israélo-palestinien est improbable, mais il devait délivrer un message fort de réconciliation pour tourner la page de l##ère de son prédécesseur George W. Bush. Ayant déjà proclamé en Turquie que les États-Unis n##étaient “pas et ne seraient jamais en guerre contre l##islam”, il a choisi l##Égypte pour ce discours à l##adresse de 1,5 milliard de musulmans. Obama a eu également au Caire ses premiers entretiens avec le président Hosni Moubarak au moment où il cherche à redonner vie au processus de paix entre Israël et les Palestiniens. “Ce que vous allez voir, ce sont des discussions robustes sur les moyens de réaliser des progrès et d##en finir avec le blocage” actuel dans le processus de paix israélo-palestinien, a déclaré mercredi à Riyad Ben Rhodes, qui écrit les discours d’Obama. La visite d’Obama au Caire fut entourée de mesures de sécurité exceptionnelles. C##est dans une capitale égyptienne placée sous très haute sécurité, et où tout “bain de foule” était exclu, que le président américain devait se déplacer en hélicoptère d##un point à l##autre, selon la presse.
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Au Caire, un discours historique
“Je suis venu chercher un nouveau départ entre les États-Unis et les musulmans à travers le monde”, a affirmé le président américain lors de son discours en Égypte. Il a jugé “légitimes” les aspirations des Palestiniens à avoir un État. Le président américain Barack Obama a dit jeudi 4 juin qu##il était venu “chercher” au Caire un “nouveau départ entre les musulmans et les États-Unis”, et appelé à lutter ensemble contre l##extrémisme et la violence. Dans un discours très attendu à l##université du Caire devant quelque 3.000 invités, le président américain a lancé un discours nourri de citations du Coran, dans lequel il s##est positionné comme un ami du monde musulman. “Ce cycle de méfiance et de discorde doit s##achever”, a lancé le président américain. “Je suis venu chercher, ici au Caire, un nouveau départ entre les États-Unis et les musulmans à travers le monde, un nouveau départ fondé sur l##intérêt mutuel et le respect mutuel. Un départ fondé sur cette vérité que l##Amérique et l##islam partagent des principes communs de progrès, de tolérance et de dignité humaine”. Si “le changement ne peut pas intervenir du jour au lendemain”, il se dit “convaincu que pour avancer, nous devons dire ce que nous avons sur le cœur.” L´extrémisme Barack Obama a évoqué les grands problèmes de la région car “nous ne devons pas ignorer les tensions mais y faire face frontalement.” L##un des problèmes majeurs reste “l##extrémisme violent sous toutes ses formes”. Il rappelle que cette violence va “à l##encontre de l##Islam lui-même. Le Coran dit que quiconque tue une personne, tue l##humanité entière.” Evoquant la guerre contre le terrorisme, il a réaffirmé que “malgré le coût, l##engagement américain ne faiblira pas.” Il a tenu à rassurer le peuple irakien : “nous ne cherchons pas à nous installer, nous n##avons aucune prétention sur la souveraineté du pays.” Toutes les troupes devraient être parties en 2012. Mais Barack Obama a conscience que “la solution militaire ne peut pas tout régler”. C##est pourquoi, il a également annoncé l##investissement de 1,3 milliard chaque année pour les cinq prochaines années pour la construction d##écoles et 2,8 milliards pour développer l##économie du pays. Enfin, il a confiance dans le fait que “la foi de plus d##un milliard de personnes et plus grande que la haine d##une poignée.”
Le conflit israélo-palestinien Le président américain s##est exprimé sur le conflit entre les Israéliens et les Palestiniens. Soulignant le “lien inébranlable” des États-Unis avec Israël et le droit du peuple d##Israël à avoir une terre, il n##a pas hésité à parler de “situation intolérable” pour les Palestiniens qui “vivent l##humiliation que suppose l##occupation”. L##obtention de terres pour les Palestiniens est une “aspiration naturelle et légitime”. Il a donc fermement appelé Israël à mettre fin à la “colonisation”. Il demande aux deux États à respecter la Feuille de route établie. La contestation par la violence n##est que “lâcheté”. Il recommande au Hamas de “jouer le rôle qui est le sien” c##est-à-dire “unifier et répondre aux aspirations” du peuple palestinien. “L##Amérique sera côte à côte avec ceux qui veulent la paix”, a-t-il affirmé.
Le dossier nucléaire iranien Barack Obama reconnaît les torts de l##Amérique envers l##Iran dans le passé. “Pendant la Guerre froide, les États-Unis ont renversé un leader élu de manière démocratique”. Mais “plutôt que d##être rivé sur le passé, il a appelé à “aller de l##avant”. Sur la question du nucléaire notamment où il a renouvelé son appel pour une planète sans aucune arme nucléaire, sauf civil. Il a également affirmé que la promotion de la démocratie avec la guerre en Irak était une erreur. “Aucun système ne devrait être imposé par un pays sur un autre”. Il a cité Thomas Jefferson : “j##espère que notre sagesse grandira en même temps que notre pouvoir”, et a promis de respecter la souveraineté des pays. La démocratie “Aucun système de gouvernement ne saurait être imposé à un pays par un autre”, a plaidé Barack Obama. La liberté de religion Le président américain a commencé par rappeler la longue tradition de tolérance propre à la religion musulmane, qu’il a lui-même constatée dans sa jeunesse en Indonésie, pour ensuite dénoncer ceux qui refusent cette tolérance à leurs voisins, prenant l’exemple des maronites libanais ou des coptes égyptiens. “Chacun, dans chaque pays, devrait être libre de choisir et de vivre sa foi.” Les droits des femmes Rappelant que les femmes musulmanes ne devraient pas se voir refusé le droit de porter le voile islamique, Barack Obama a insisté sur le fait que la question des droits des femmes n’est pas spécifique au monde musulman. Il a pour preuve cité des pays musulmans – Turquie, Pakistan, Indonésie – où des femmes accèdent aux responsabilités politiques. Le progrès économique “Il n’y a pas de contradiction entre le progrès et la tradition”, a affirmé le président américain, ajoutant que, par le passé tout comme aujourd’hui, des communautés musulmanes ont été et sont à la pointe de l’innovation et de l’éducation. Cependant, certains pays musulmans n’y accordent pas assez d’importance. Il faut investir dans ces domaines, a affirmé Barack Obama. Le président américain a confessé que “dans le passé les Etats-Unis se sont focalisés sur le pétrole et le gaz dans cette partie du monde” alors qu’il s’agit aujourd’hui de “rechercher un partenariat plus vaste”. Barack Obama a enfin cité les domaines dans lesquels ce partenariat pourrait être fructueux : l’éducation, les échanges économiques, la science et la technologie, la santé. “Notre responsabilité est de nous allier pour construire le monde que nous voulons, un monde où les extrémistes ne sont plus une menace, où les troupes américaines reviennent à la maison, où Israéliens et Palestiniens vivent en paix dans deux États, où l’énergie nucléaire est utilisée à des fins pacifiques, où les gouvernements sont au service de leurs citoyens et où tous les enfants de Dieu sont respectés”, a conclu le président américain devant une salle qui applaudissait à tout rompre.
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Réaction de la France
La France a salué le discours au Caire, y voyant une déclaration “majeure” tant du point de vue “symbolique” que “politique”. “Il montre des États-Unis d##Amérique résolument tournés vers le dialogue, la tolérance, le respect mutuel, le refus de toute perspective de tensions entre cultures, entre civilisations”, a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Eric Chevallier.
Ben Laden tente de brouiller le discours d##Obama
Un message d##Oussama ben Laden appelant les musulmans à une longue croisade contre les infidèles a été diffusé jeudi sur internet, au moment même où Barack Obama prononçait au Caire un discours fondateur prônant un “nouveau départ” entre l##Amérique et le monde islamique. “Ou bien nous vivons à la lumière de l##islam, ou bien nous mourons dans la dignité. Préparez-vous à une longue guerre contre les infidèles du monde entier et leurs agents”, dit le chef d##Al Qaïda dans cet enregistrement audio de 25 minutes. Le message de Ben Laden, qui accuse les États-Unis d##avoir semé “les graines de la haine” chez les musulmans, a été conçu visiblement pour brouiller le message prononcé par Barack Obama, qualifié mardi de “criminel” par le numéro deux d##Al Qaïda, l##Egyptien Aymane al Zawahiri. “Si un musulman devient l##allié des infidèles et soutient ceux-ci contre les musulmans, il perd sa foi et devient un apostat infidèle”, affirme Ben Laden, dont le dernier message, en mars, appelait déjà ses coreligionnaires à se préparer à la djihad. “Ne vous alliez pas aux juifs et aux chrétiens, comme c##est le cas de l##armée pakistanaise, qui s##est retranchée dans le même donjon que l##Amérique face à l##islam. Tout vrai musulman doit les combattre”, poursuit l##introuvable chef djihadiste d##origine saoudienne. L##administration Obama a procédé à une révision de la stratégie américaine en Afghanistan pour y inclure le Pakistan, que Washington a poussé à lancer une offensive militaire dans le nord-ouest de son territoire pour réduire les fiefs islamistes armés à la frontière des deux pays. Ben Laden a présenté le président pakistanais Asif Ali Zardari comme un serviteur des États-Unis qui a ordonné à son armée de combattre les musulmans sur ordre de Washington. Dans son discours au Caire, qui vise à tourner la page de l##aventure irakienne et de l##enlisement afghan sous George Bush, Barack Obama a estimé que les musulmans avaient un rôle à jouer contre une “petite mais puissante minorité extrémiste” en leur propre sein. “Je suis venu ici pour rechercher un nouveau départ entre les États-Unis et les musulmans du monde entier, fondé sur l##intérêt commun et le respect mutuel. L##Amérique et l##islam ne doivent pas s##exclure”, a-t-il dit. En mars, Ben Laden accusait des dirigeants arabes modérés, “que ce soit en Arabie saoudite ou en Egypte” – où Obama s##est rendu ces dernières 24 heures -, de “comploter avec la coalition des sionistes et des croisés” contre le peuple musulman. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 attribués à Al Qaïda, une soixantaine des messages ont été diffusés par Ben Laden et Zaouahri, qui se cacheraient aux confins du Pakistan et de l##Afghanistan.