La nouvelle est tombée hier à 10 h 27, heure de Paris : dans la nuit, un homme a été tué par balle à Pointe-à-Pitre, à proximité d’un barrage. Un militant syndical qui revenait d’un meeting . De la manière la plus dramatique, après trente jours de grève générale paralysant toute l’économie de l’île, la Guadeloupe a forcé la porte du sommet social organisé hier par Nicolas Sarkozy à l’Elysée.
La CGT avait prévenu qu’elle mettrait la question à l’ordre du jour de la rencontre. Le chef de l’Etat ne le souhaitait pas. Position officielle : la situation en Guadeloupe est particulière et n’a rien à voir avec les mesures sociales envisagées pour atténuer globalement les effets de la crise sur les franges les plus vulnérables de la population.
Le chef de l’Etat a tenu bon sur cette ligne, précisant juste aux partenaires sociaux qu’il réservait ses annonces aux «parlementaires et présidents des exécutifs régionaux et départementaux d’outre-mer» qu’il doit recevoir aujourd’hui. Une déclaration réitérée hier soir à la fin de son allocution télévisée
A leur arrivée dans la cour de l’Elysée, dix minutes avant l’ouverture de la conférence sociale, les dirigeants syndicaux avaient pourtant averti : la situation aux Antilles ferait partie du débat. Face aux caméras, François Chérèque a fait d’un ton solennel une brève déclaration. «En accord avec Bernard Thibault et Jean-Claude Mailly, a lancé le secrétaire général de la CFDT, nous allons aborder le problème de la Guadeloupe et des Antilles. Il serait totalement anormal, comme certains ont voulu le faire croire, que nous acceptions de ne pas parler de ces problèmes-là.» «On va commencer par là», a simplement précisé Bernard Thibault (CGT). «Il faut que le gouvernement décide rapidement de répondre aux revendications», avait annoncé quelques instants plus tôt Jean-Claude Mailly (FO).
Sarkozy ayant botté en touche sur la Guadeloupe, restait aux syndicats à commenter ses annonces sur le volet social du plan de relance (lire page 4), dont le montant atteint 2,6 milliards d’euros. Elles vont se traduire, pour les ménages les plus menacés par la crise, par des gains immédiats de 200 à 500 euros. Le soir à la télévision, Sarkozy a appelé à suivre «le seul chemin qui vaille contre la crise», celui de «l’effort», de la «justice» et du «refus de la facilité».
Pour autant, les dirigeants syndicaux n’ont pas manifesté un grand enthousiasme dans leurs commentaires. «Les discussions ont été vives, parfois tendues», a sobrement commenté Bernard Thibault, et «il va falloir pousser plus fort pour changer vraiment la situation». Pour Jean-Claude Mailly (FO), tout cela est «beaucoup trop court». François Chérèque, dont une partie des propositions, comme la création d’un fonds d’investissement social, a été reprise, a lui-même jugé ces mesures «insuffisantes». Les syndicats, qui appellent à une nouvelle journée d’action pour le 19 mars, maintiennent ce mot d’ordre et vont se revoir lundi pour en déterminer les modalités.
En attendant, le pourrissement de la situation en Guadeloupe appelle une réponse rapide du chef de l’Etat, dont le silence conforte le sentiment d’exclusion aux Antilles. Hier, la seule annonce gouvernementale a été celle de la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, qui a condamné «les pillages, les violences contre les personnes, les exactions» et a promis l’arrivée de «quatre escadrons de gendarmes mobiles», soit 280 militaires. Une réponse qui n’est pas très différente de celle qu’avait apportée en novembre 2005 le ministre de l’Intérieur, un certain Nicolas Sarkozy, face à l’embrasement des banlieues.