Commémorant le 140ème anniversaire de la mort du fameux poète français Lamartine, le 28 février 1869, Watani Francophone a choisi de traiter le parcours de ce poète de notoriété qui appartient au mouvement romantique. Et qui dit romantisme dit Lamartine. C##est à lui que l##on doit notamment le célèbre poème “Le Lac”.
Le mouvement romantique (1820-1850)
Le mot “Romantisme” indique une conception de la vie digne du roman, faisant de l##homme un héros dont la sensibilité règne sur le monde. Trait important des mentalités à cette époque, affectant toutes les formes de l##expression artistique, il affirme la primauté de l##émotion sur l##intellectualité, et la profonde poésie de la vie. Il porte son attention sur l##individu (le Moi), recherche le dépaysement spatial (goût pour l##exotisme), temporel (goût pour l##histoire), social (intérêt pour le peuple, que ces auteurs connaissent mal d##ailleurs et mythifient souvent), religieux (goût pour le mysticisme, pour le sacré qui offrent une alternative à la médiocrité sociale).
Romantisme : mouvement littéraire et artistique qui s##est étendu à toute l##Europe à partir de la fin du XVIIIe siècle. Il atteint son apogée en France dans les années 1810-1835 et se caractérise par l##apparition d##une sensibilité nouvelle, favorisée après 1815 par le déséquilibre que la chute de l##Empire provoqua dans l##âme de la jeunesse. Les consciences désenchantées ont le sentiment de ne pas avoir leur place en ce monde : tantôt, se complaisant dans la tristesse, le rêve ou la solitude, elles épanchent leur mélancolie; tantôt, animée par l##énergie de la révolte ou de l##ambition, elles s##engagent dans l##action. Cet état de sensibilité s##accompagne d##un profond renouvellement des formes littéraires. Le Romantisme se dégage des contraintes imposées par l##esthétique classique : au théâtre, suppression de la règle des unités, libération du langage, mélange des genres; en poésie, explosion du lyrisme*; quant au roman, il devient le cadre de l##expression personnelle et un instrument d##exploration du monde extérieur. Le Romantisme s##épuise au milieu du siècle : le triomphe de l##esprit bourgeois (sens des réalités concrètes, importance donnée à l##argent) apporte aux débordements lyriques de sévères limites. Les nouvelles générations littéraires sont en effet “positives”, privilégiant le réalisme et le naturalisme.
Carrière littéraire de Lamartine
Poète romantique dans toute la splendeur de la vanité comme de la beauté de ses vers, Alphonse de Lamartine qui, né à Mâcon, le 21 octobre 1790, dans une famille de petite noblesse légitimiste sans grande fortune, est entré au panthéon des hommes de lettres de son vivant. Après une enfance passée dans la région de Mâcon, Alphonse de Lamartine, entame une carrière littéraire après quelques années de désoeuvrement. Il entre à l##Académie française, en 1829 et, à la suite d##un voyage effectué en Orient pour se consoler de la perte de sa fille, Lamartine se lance dans la politique, laissant sa foi de côté. D##abord monarchiste, il publia, en 1847, une Histoire des Girondins écrite à l##usage du peuple et destinée à lui donner “une haute leçon de moralité révolutionnaire, propre à l##instruire et à le contenir à la veille d##une révolution”. L##intérêt que suscita l##ouvrage lui valut, en 1848, d##être ministre du nouveau gouvernement républicain. Toutefois, son échec face à Louis Napoléon Bonaparte à l##élection présidentielle, puis le coup d##Etat de 1851, mirent un point final à sa carrière politique.
Quand il abandonne ses habits de politicien, Lamartine redevient le poète lyrique aux élans parfois exagérés. Plaçant le “moi” au centre de son art, s##inspirant d##un amour malheureux vécu lors d##une saison aux thermes, Lamartine écrira ses plus beaux vers avec “le Lac” et “Un seul être vous manque” qui deviendra une citation référence. Ses “Méditations poétiques” sont l##objet d##admiration de la nouvelle génération de poètes, mais l##échec retentissant aux élections présidentielles met définitivement fin à sa carrière. La fin de la vie de Lamartine est marquée par des problèmes d##argent, dus à sa générosité et à son goût pour les vastes domaines. Pauvre et oublié de tous, Lamartine meurt en 1869, laissant derrière lui une œuvre lyrique (Le Lac) témoignant de l##esprit de l##homme romantique.
Le Lac de Lamartine
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l##océan des âges
Jeter l##ancre un seul jour ?
Ô lac ! l##année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu##elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m##asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s##asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l##écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t##en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n##entendait au loin, sur l##onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m##est chère
Laissa tomber ces mots :
Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m##échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l##aurore
Va dissiper la nuit.
Aimons donc, aimons donc ! de l##heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L##homme n##a point de port, le temps n##a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! “
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d##ivresse,
Où l##amour à longs flots nous verse le bonheur,
S##envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Eh quoi ! n##en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu##il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu##il soit dans ton repos, qu##il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l##aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu##il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l##astre au front d##argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu##on entend, l##on voit ou l##on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
“Le Lac” fait partie des “Méditations poétiques”, regroupant 24 poèmes.
La poétique du Lac comme de l##ensemble du recueil des méditations est classique, des quatrains d##alexandrins coupés à l##hémistiche donnant une harmonie, un équilibre lent propice à la description des sentiments de l##auteur. “Lamartine l##année précédente sauva de la noyade de ce lac une femme plus âgée dont il tomba amoureux, d##un amour teinté de tendresse maternelle, et à qui il écrivit des élégies amoureuses sous le nom d##Elvire, une napolitaine. Le poète qui revient seul l##année suivante demande au lac de lui restituer le souvenirs des merveilleux moments passés ensemble dont il a du garder la trace.”
Ce poème fut en partie écrit sur place sur la colline de Tresserve qui domine le lac. Le “lac” de Lamartine est devenu le poème immortel de l##inquiétude devant le destin, de l##élan vers le bonheur et de l##amour éphémère qui aspire à L##Éternité.
Le romantisme dans “Le Lac”
Il prend le lac à témoin dans une sorte de familiarité avec le tutoiement “regarde”, tu me vois et tu dois te rappeler ta visiteuse de l##an passé pour me la restituer. C##est un thème cher aux romantiques d##une nature bienveillante à qui l##on peut confier les secrets et à qui on peut tout demander. On demandera donc au lac, et à tout ce qui l##entoure, végétation, grottes, vent, de ne dire qu##une seule chose “Ils ont aimé”. Une manière d##immortaliser ce moment d##intimité qui donne à ce lieu comme une prise de possession pour L##Éternité de la présence des deux personnages avec une évocation très discrète de l##héroïne Elvire.
Le facteur du temps dans “Le Lac”
Le poème a la forme d##une plainte langoureuse à l##adresse du temps. Les participes passés, la voix passive soulignent la passivité et l##impuissance de l##homme face au temps, soumis à son mouvement perpétuel. Lamartine réfléchit et s##interroge sur sa condition d##homme, sur sa faiblesse face à la fuite du temps, à l##aide de formules “interro-négatives” comme dans “ne pourrons-nous ?“. S##il s##adresse au temps sous une forme impérative “suspends ton vol”, il pense que sa demande est vaine et sans espoir. Il en appelle alors à la nature, au lac, pour garder le témoignage de son existence passée.
Le poème “Le lac” est une réflexion sur le temps en rapport avec un amour qui semble à jamais fini. Il constate amèrement que le passé, fut-il heureux, est passé à jamais, que le temps en a effacé la trace et qu##il ne peut être restitué. La nature qui a été le témoin vivant de la présence du poète a pu garder la trace de ce moment et le restituer au poète. C##est le paysage qui conserve le souvenir, et non l##écriture et qui peut dire “ils ont aimé“.
Les fameuses “Méditations poétiques” de Lamartine
En 1820, Lamartine fit paraître sous le titre de “Méditations poétiques” des poèmes qui le rendirent célèbre et qui sont considérés comme la première manifestation du romantisme en France. Ces vers lyriques, évoquant les inquiétudes amoureuses et spirituelles d##une âme tourmentée à la sensibilité d##un public que les auteurs classiques ne satisfaisaient plus. Or, le début de Lamartine dans la poésie et le début de la poésie romantique dans la littérature française, eurent un magnifique succès.
Après la poésie sensuelle, sèche et conventionnelle des derniers classiques, on fut surpris et charmé d##entendre un poète qui osait être ému et sincère, dont la mélancolie, doucement élégiaque, n##en était pas moins forte et profonde. La forme des “Méditations”, souvent molle et fluide, atteint, quand elle est soutenue par un sentiment profond, la plus fort et la plus suave harmonie.
“Les Méditations” tiré à 500 exemplaires, le 11 mars 1820, contient des poèmes composés entre 1815 et 1820, dont les plus fameux sont: “Le Lac”, “l##Isolement”, “le Soir”, “le Vallon”, “le Golfe de Baïa” et “l##Automne”.
Les Méditations”
Ce recueil de 24 poèmes est l##aboutissement d##un courant de poésie élégiaque caractérisé par les allusions mythologiques, les exclamations, les interrogations et les périphrases. Il fait l##effet d##une révolution car son fond est nouveau : les poèmes font la part belle aux sentiments personnels. Le recueil est marqué par les soupirs de l##âme de Lamartine, qui évoque les souvenirs et les regrets, les espérances et les désespoirs, l##angoisse face à la mort. Mais ces élans de l##âme sont inséparables du sentiment de la nature amie, à qui le poète confesse ses joies et ses peines. L##évocation des paysages naturels tend d##ailleurs plus à dépeindre l##état d##âme du poète lui-même. Lamartine essaye aussi d##exprimer son rapport à l##au-delà. Bien que profondément chrétien, il n##a pas de certitudes ce qui le pousse parfois à douter, mais finalement, l##espérance envers l##immortalité triomphe.
Souvenirs pendant un “Voyage en Orient”
« Il n’y a d’homme complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. Les habitudes étroites et uniformes que l’homme prend dans sa vie régulière et dans la monotonie de sa patrie sont des moules qui rapetissent tout. Pensée, philosophie, religion, caractère, tout est plus grand, tout est plus juste, tout est plus vrai chez celui qui a vu la nature et la société de plusieurs points de vue. Si mon esprit s’est agrandi, si mon coup d’œil s’est étendu, si j’ai appris à tout tolérer en comprenant tout, je le dois uniquement à ce que j’ai souvent changé de scène et de point de vue. Étudier les siècles dans l’Histoire, les hommes dans les voyages et Dieu dans la nature, c’est la grande école. Ouvrons le livre des livres ; vivons, voyons, voyageons. Le monde est un livre dont chaque pas nous tourne une page ; celui qui n’en a lu qu’une, que sait-il ? » Extrait du récit “Voyage en Orient”, publié en 1835.
De juillet 1832 à septembre 1833, Alphonse de Lamartine s’embarque à Marseille pour un voyage au Moyen-Orient. Après avoir affrété un bateau de dix-neuf hommes d’équipage, en compagnie de sa femme et de sa fille Julia – qui mourra à Beyrouth pendant le voyage, et lui laissera un goût d##amer–, le poète et homme politique français visitera la Grèce, Malte, Chypre, la Palestine, le Liban, la Syrie, la Turquie, la Serbie et les Pays balkaniques… Reçu par les grands, curieux de tout, Lamartine surprend, dans ce journal au jour le jour, par son allant, sa témérité, et nous livre sur cette région aujourd’hui encore en proie à des tensions insolubles de précieux renseignements sur la genèse des conflits dans les Balkans aussi bien qu’au Liban.
Citations d##Alphonse de Lamartine
On admire le monde à travers ce qu##on aime. (Jocelyn)
Toutes les grandes lectures sont une date dans l##existence.
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé!
Je suis concitoyen de toute âme qui pense: la vérité, c##est mon pays.
Il n##y a d##homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé ving fois la forme de sa pensée et de sa vie.
L##homme n##a point de port, le temps n##a point de rive; il coule, et nous passons!
On voudrait revenir à la page où l##on aime et la page où l##on meurt est déjà sous nos doigts.
L##égoïsme et la haine ont seuls une patrie; la fraternité n##en a pas!
Le temps seul peut rendre les peuples capables de se gouverner eux-mêmes. Leur éducation se fait par leurs révolutions.
Dieu n##est qu##un mot rêvé pour expliquer le monde. (Harmonies poétiques et religieuses)
Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître? (Méditations poétiques, VII, Le désespoir)
Celui qui sait attendrir sait tout. (Graziella).
«Je suis las des musées, cimetières des arts.»
(Voyage en Orient).
«Dieu n##est qu##un mot rêvé pour expliquer le monde.»
(Harmonies poétiques et religieuses).
Poèmes d##Alphonse de Lamartine
Le lac
L##automne
La tristesse
La vieille maison abandonnée
L##isolement
Les étoiles
Tristesse
Le vallon