La Cour pénale internationale a émis mercredi dernier un mandat d##arrêt contre le président soudanais Omar El Béchir. Ce dernier est soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l##humanité au Darfour, une région où plus de 300.000 personnes ont été tuées dans la guerre civile. Mais Omar El Béchir bénéficie encore de soutiens dans son pays et en Afrique. Le ministre de la Justice du Soudan a d##ores et déjà fait savoir que son pays ne collaborerait pas avec la CPI. Paris appelle malgré tout Khartoum à “coopérer”.
Pour la première fois de son histoire, la Cour pénale international de La Haye a lancé mercredi un mandat d’arrêt contre un chef d’Etat en exercice. Il s’agit du président soudanais Omar El Béchir. Un homme de 65 ans recherché pour crimes de guerre et crimes contre l##humanité au Darfour. Le procureur de la CPI Luis Moreno Ocampo estime qu##Omar El Béchir est personnellement responsable de meurtres, extermination, transfert forcé de population, torture et viols, constitutifs de crimes contre l##humanité ainsi que de pillages et d##attaques, des crimes de guerre. Le chef de génocide n##a en revanche pas été retenu par la CPI.
“Le Soudan n##a pas coopéré jusque là et ne coopèrera pas avec la Cour pénale internationale”. La réaction du ministre de la Justice du Soudan au mandat d##arrêt a été vive et catégorique. “Nous ne traiterons avec cette Cour elle n##est pas compétente (pour le Soudan). Il s##agit d##une décision politique”, a-t-il fait valoir. Le ministre d##Etat soudanais aux Affaires étrangères a renchéri en affirmant “le refus total” de la décision de la CPI. L##armée soudanaise a prévenu pour sa part qu##elle “réagirait avec fermeté” contre ceux qui collaboreraient avec la Cour pénale internationale. Le chef des services de renseignements soudanais, l##influent Salah Gosh, avait récemment menacé de “couper la main à celui qui tentera de contribuer à la mise en oeuvre de la décision de la CPI contre le président ElBéchir”.
Réactions africaines
L##Union africaine a estimé de son côté que le mandat d##arrêt contre le leader soudanais pourrait menacer la paix dans son pays. La Russie a parlé de “dangereux précédent”. Quant à l##Egypte, le ministre des Affaires étrangères s##est dit “très troublé”. Paris a appelé Khartoum à “coopérer”. “C##est une grande victoire pour les victimes du Darfour et du Soudan”, a déclaré à Paris Abdel Wahid Mohammed Nour, le leader rebelle darfouri. Le collectif “Justice pour le Darfour”, qui regroupe des Organisations non gouvernementales (ONG) telles qu##Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération internationale des ligues de droits de l##homme (FIDH) ou “Urgence Darfour”, estime que la communauté internationale doit faire pression sur les autorités soudanaises pour qu##elles exécutent le mandat d##arrêt. Des cris de joie ont accueilli mercredi dans le camp de réfugiés darfouris au Tchad à Farchana, l##annonce de la décision de la CPI. Sur place, au Soudan, la tension est palpable. Plus de certains milliers de Soudanais ont manifesté dans le centreville de Khartoum leur appui au président Omar El Béchir. L##ONG “Médecins sans frontières” a elle annoncé avoir reçu l##ordre du Soudan d##évacuer son personnel international du Darfour. Les Etats-Unis appellent toutes les parties soudanaises, dont le gouvernement, à la “retenue” après le mandat d##arrêt émis par la CPI. La Cour pénale internationale (CPI) ne poursuit que “des Africains”, a regretté à Dakar le président sénégalais Abdoulaye Wade, avant l##annonce par la CPI d##un mandat d##arrêt contre le président Omar El Béchir. “Le Sénégal est le premier pays africain à signer l##accord” instituant la CPI, “mais nous avons l##impression que ce tribunal ne juge que des Africains”, a déclaré le président Wade. “Il faut juger tous (les criminels présumés) partout où ils se trouvent dans le monde”, a ajouté Wade lors d##une conférence de presse conjointe avec son homologue finlandaise Tarja Halonen, en visite d##Etat au Sénégal.
Dans ce contexte, l##Egypte a appelé la Cour pénale internationale (CPI) à retarder l##inculpation du président soudanais Omar El Béchir, se déclarant “très troublée” par sa décision de délivrer un mandat d##arrêt à son encontre. Le ministre des Affaires étrangères Ahmed Aboul Gheit “appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à se réunir en urgence dans le but de prendre une décision appelant à la mise en oeuvre de l##article 16 (prévoyant que la) Cour retarde l##inculpation” du président soudanais. L##Egypte est “très troublée” par la décision de la CPI et appelle le Conseil de sécurité à “assumer ses responsabilités dans le maintien de la paix et de la sécurité au Soudan”, a poursuivi le ministre. Le Soudan a immédiatement rejeté ce mandat d##arrêt et des milliers de Soudanais manifestaient dans les rues de Khartoum leur soutien au chef de l##Etat.
Amnesty International
De sa part, Amnesty International a demandé l’arrestation du président El Béchir. En affirmant que le droit est clair. Le président Omar El Béchir doit se présenter devant la CPI afin d’assurer sa défense. S’il refuse, les autorités soudanaises doivent se charger de l’arrêter et de le remettre immédiatement à la CPI, a déclaré Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International. Le mandat d’arrêt décerné contre le chef de l’État soudanais est une initiative sans précédent dans l’histoire d’un conflit au cours duquel plus de 300 000 personnes ont été tuées, des milliers violées et des millions déplacées de force. Cette annonce délivre un message important, tant au Darfour qu’au reste du monde : les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains seront traduits en justice, quelle que soit la position qu’ils occupent, a déclaré Irene Khan.
La Constitution du Soudan confère au chef de l’État une immunité à l’égard des poursuites pénales, tant qu’il est en fonction. Cependant, aucun instrument international n’a jamais prévu une quelconque immunité pour des accusations de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre. Au titre de la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité, qui engage le Soudan à coopérer avec la CPI, les autorités soudanaises sont juridiquement tenues d’arrêter toute personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt. Selon Amnesty International, si le président El Béchir quittait le Soudan, tout gouvernement d’un pays où il serait trouvé aurait l’obligation de ne pas lui offrir d’abri sûr et de l’arrêter immédiatement pour le remettre à la CPI. Personne n’est audessus des lois. Toute personne inculpée d’un crime doit se présenter et répondre des accusations portées à son encontre devant un tribunal. Le président El Béchir aura l’occasion de le faire devant la CPI, a conclu Irene Khan.
Casques bleus au Darfour
Par ailleurs, le secrétaire général adjoint des Nations Unies aux opérations de maintien de la paix, Alain Le Roy, a déclaré que les casques bleus resteraient au Darfour même si la Cour pénale internationale (CPI) décide de lancer un mandat d##arrêt contre le président soudanais Omar El Béchir. S##exprimant lors d##une conférence de presse au siège de l##ONU à New York, il a souligné qu##il n##y a pas de plan pour réduire ou fermer les deux missions au Soudan: la Mission des Nations Unies au Soudan (UNMIS) et l## Opération hybride UAONU au Darfour ( MINUAD). “Le gouvernement soudanais a indiqué qu##il assurerait son obligation de protéger les missions de l##ONU au Soudan contre tout impact négatif résultant d##une décision contre les dirigeants politiques soudanais”, a dit Le Roy. Il a ajouté que l##ONU n##était toujours pas informée du lancement ou non d##un mandat d##arrêt contre El Béchir. “Bien sûr, nous nous préparons comme à tout événement susceptible d##avoir une influence pour les 25.000 casques bleus déployés au Soudan”, a-t-il dit, expliquant s##attendre à “des violences”.
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Des milliers de Soudanais manifestant dans les rues de Khartoum leur soutien au chef de l##Etat.